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<p> <em><</em>html><em><</em>p class="lestitres">mactō, -ās, -āre<em><</em>/p><em><</em>/html> <em><</em>html><em><</em>center><em><</em>big><em><</em>big>(verbe)<em><</em>/big><em><</em>/big><em><</em>/center><em><</em>/html> <br/> </p> <hr /> <p> <br/> </p> <h1>6. Histoire du lexème</h1> <div class="level1"> </div> <h2>6.1. Histoire au cours de la latinité. Evolution des emplois</h2> <div class="level2"> </div> <h3>Sens A.</h3> <div class="level3"> <p> Dans la construction ancienne <em>mactare deum aliqua re</em> (par exemple <em>mactare Iouem hostiā</em>), <em>mactare deum</em> signifie d’abord « faire croître », « revigorer » le dieu (au moyen d’une offrande, d’un sacrifice). Selon les contextes, mactare a pu prendre les acceptions de « honorer », « gratifier » (<a href="/dictionnaire:mactare4detaille" class="wikilink1" title="dictionnaire:mactare4detaille">ex. 1</a>) ou de « faire éprouver » (<a href="/dictionnaire:mactare4detaille" class="wikilink1" title="dictionnaire:mactare4detaille">ex. 3</a>) ; ce sont des variantes contextuelles du sens originel. </p> </div> <h3>Sens B.</h3> <div class="level3"> <p> Dans la construction plus récente <em>mactare aliquid deo</em> (<em>mactare pultem, hostiam Ioui</em>), <em>mactare</em> veut dire « immoler, offrir en sacrifice (une victime) à un dieu » (selon la nature de l’offrande, <em>mactare</em> peut signifier « sacrifier » ou « offrir »). </p> <p> L’évolution sémantique qui fait passer <em>mactare</em> du sens A au sens B s’explique comme un cas de « polysémie externe » (le verbe est affecté par la polysémie dans ses actants) : la répartition grammaticale des fonctions est devenue différente, l’instrumental (<em>hostiā</em>) cédant la place à un accusatif d’objet (<em>hostiam</em>). On observe le même type de polysémie externe dans le cas de <em>donare</em>, « gratifier (de) » et « donner », de <em>circumdăre</em>, « entourer (de) » et « placer autour » et de <em>litare</em>, « accomplir un sacrifice (au moyen de) » et « offrir un sacrifice ». </p> </div> <h3>Sens C.</h3> <div class="level3"> <p> Le passage du sens de <em>mactare</em>, « offrir en sacrifice » à celui de <em>mactare</em> « tuer », « faire périr », s’explique comme un cas de polysémie interne : le sème 2 du sémème /immoler 1/ en sacrifice 2/ est occulté et le sémème est réduit au seul sème « immoler ». C’est le type de polysémie appelé « extension de sens ». </p> <p> La polysémie à la fois interne et externe de <em>mactare</em> permet de rendre compte des différents sens pris par ce verbe au cours de son évolution sémantique et d’écarter toute hypothèse qui conduirait à supposer l’existence de deux verbes homonymes. </p> </div> <h2>6.2. Etymologie et origine</h2> <div class="level2"> <p> Pour l’étude étymologique, on ne peut séparer <em>mactus, macte</em> et <em>mactāre</em>. </p> <p> La plupart des savants qui se sont occupés de <em>mactus</em> sont restés perplexes, y compris Ernout et Meillet. </p> <p> Pourtant, le rapprochement de <em>mactus</em> et de <em>magnus</em> offre une piste féconde. Invoquer, pour réfuter *<em>mag-to</em>-, comme le fait De Vaan, l’absence d’effet de la pseudo-loi de Lachmann n’est pas un contre-argument décisif, car l’effet dit <em>de Lachmann</em> est loin d’être systématique. </p> <p> En tout cas, *<em>mag-to</em>- ne peut entrer dans les cadres de fonctionnement de la « loi de Lachmann » tels que définis par Strunk 1976, op. cit. La prétendue « loi de Lachmann » n’a guère de chance de s’appliquer à une forme isolée : elle n’affecte que des participes relevant d’un paradigme verbal et subordonnés à un thème d’infectum^{<a href="#fn__1" name="fnt__1" id="fnt__1" class="fn_top">1)</a>}. </p> <p> On sait que la base <em>mag</em>- de <em>magnus</em> est le substitut du degré Ø peu reconnaissable, *<em>m̥g</em>-, attesté dans lat. <em>ing-ent</em>- (adjectif <em>ingens</em> « immense »). </p> <p> Les dérivés en *-<em>to</em>- et *-<em>no</em>- sont souvent à peu près équivalents ; ils entrent en distribution complémentaire, dans certaines langues, pour la formation du participe passé (indo-iranien, germanique). En latin, on peut évoquer la coexistence de <em>uastus</em> et <em>uānus</em> < *<em>was-no</em>-. </p> <p> Pour aborder l’histoire de <em>mactāre</em>, deux préalables indispensables sont à prendre en compte : d’une part, il faut étudier la construction particulière de ce verbe, d’autre part, on doit réintégrer ce verbe dans l’ensemble des verbes qui portent l’idée de sacrifier. Dénominatif de <em>mactus, mactāre</em> signifierait « accroître, augmenter » ; la syntaxe du verbe peut aller en ce sens : la construction <em>mactāre deum aliquā rē</em> peut s’interpréter comme « accroître un dieu au moyen d’une offrande » (cf. § 5 pour l’interprétation des grammairiens latins). </p> <p> La prière conservée par Caton, <em>Agr.</em> 134, 3 : <em>Iupiter, macte isto fercto esto, macte uino inferio esto !</em> se comprendra comme « Jupiter, sois augmenté de cette offrande, sois augmenté du vin présenté en offrande ! ». </p> <p> Le nominatif est attesté une fois, dans : </p> <ul> <li class="level1"> Caton, <em>Agr</em>. 134, 2 : <em>Iupiter, te hoc fercto obmouendo bonas preces precor, uti sis uolens propitius mihi liberisque meis domo familiaeque meae mactus hoc ferto.</em> <br/> « Jupiter, en t’offrant ce gâteau, je t’adresse de bonnes prières, afin que tu sois bienveillant et favorable à moi-même, à mes enfants, à ma demeure et à toute ma maisonnée, une fois rassasié par le présent gâteau. »</li> </ul> <p> Le nom vénète <em>magetlon</em>, dérivé « médiatif » en *-<em>tlo</em>- qui désigne l’offrande faite aux dieux (« ce par quoi on accroît le dieu ») va dans ce sens, ainsi que lat. <em>magmentum</em> « offrande supplémentaire », mot du rituel cité par Varron et Arnobe : </p> <ul> <li class="level1"> Varr. <em>L.L.</em> 5, 112 : <em>augmentum, quod ex immolata hostia desectum in iecore in por</em><<em>ric>iendo a</em><<em>u>gendi causa. Magmentum a magis, quod ad religionem magis pertinet : itaque propter hoc </em><<em>mag>mentaria fana constituta locis certis quo id imponeretur.</em> <br/> « L’<em>augmentum</em> (morceau supplémentaire) tire son nom du fait que, prélevé sur la victime immolée, il est, en vue de l’offrande, placé sur le foie de la victime comme symbole d’accroissement (augendi). <em>Magmentum</em> (offrande additionnelle) vient de <em>magis</em> (davantage) parce que cette offrande relève encore davantage (<em>magis</em>) de l’esprit religieux. » (Trad. J. Collart, 1954).</li> </ul> <p> Arn. 7, 25 : <em>non magmenta, non augmina, non mille species vel sanguinaminum vel fitillarum, quibus nomina indidistis obscura vulgoque ut essent augustiora fecistis.</em> <br/> « … ni les <em>magmenta</em>, ni les <em>augmina</em>, ni ces mille espèces de boudins ou de bouillies auxquels vous avez donné des noms obscurs afin de les rendre plus vénérables aux yeux de la foule. » </p> <p> Rappelons la position de M. Lejeune dans son <em>Manuel de la langue vénète</em> (1974) à propos de vén. <em>magetlon</em> : « C’est seulement en vénète (<em>magetlo.n.</em>) et en latin (<em>mactus</em>) que la racine *<em>m̥g</em>- “grand” fournit des termes au vocabulaire de l’offrande. » (« Position du vénète », n°45 p. 169). Et dans l’index, p. 336 : <em>magetlo.n.</em> : « désignation de l’“offrande” : dérivé neutre, à suffixe *-<em>tlo</em>- de nom d’instrument à partir d’un thème verbal *<em>m°g(h)-ē</em>- “<em>augēre</em>” (?). » </p> <p> L’idée sous-jacente est que le fidèle, par ses offrandes, nourrit et accroît la divinité. On retrouve la notion de potlatch, de débauche de dons. </p> <p> En revanche, la solution privilégiée par De Vaan nous paraît peu vraisemblable pour des raisons sémantiques : en latin, le radical <em>mac</em>- de <em>macer</em> ne porte que l’idée de maigreur. </p> <p> <em>Mactāre</em> fait partie des verbes qui désignent le sacrifice ; or, pour ces verbes, dans les langues indo-européennes, « le sens de “sacrifier”, écrit Haudry (1978 p. 344), est toujours un aboutissement. La désignation repose sur des verbes de sens divers et qui semblent avoir été fréquemment renouvelés ; c’est ce que suggère la rareté des correspondances entre les diverses langues i.-e. dans ce domaine, et plus encore la discordance sémantique constatable dans les quelques correspondants probables comme i.-ir. *<em>yaz</em>- : gr. ἅζομαι ou certaines comme véd. <em>saparyá</em>- : lat. <em>sepelio</em>. » Le même Haudry estime que les verbes de sacrifice se regroupent autour de deux pôles, l’un autour de l’idée d’« honorer », l’autre autour de l’idée d’« immoler (une victime) ». <em>Mactāre</em> ne fait certainement pas exception à cette tendance générale ; porteur de la notion d’« accroissement », il se range du côté des verbes « honorer », au sens large. </p> <p> J. Haudry a observé que la plupart des verbes relevant de la sphère du sacrifice connaissent une double construction, l’une avec un « objet instrumental », l’autre avec un objet à l’accusatif^{<a href="#fn__2" name="fnt__2" id="fnt__2" class="fn_top">2)</a>}. C’est aussi le cas de <em>mactāre</em>. Une fois sa signification originelle estompée, <em>mactāre</em> a rejoint les verbes qui, comme <em>immōlāre</em>, appellent un accusatif du nom de la victime sacrifiée : </p> <ul> <li class="level1"> Pl. <em>As</em>. 712 : <em>ut deo mihi hic immolas bouem</em>.</li> </ul> <ul> <li class="level1"> Cic. <em>Inv</em>. 2, 95 : <em>ne quis Dianae uitulum immolaret</em>.</li> </ul> <ul> <li class="level1"> Cic. <em>De or</em>. 2, 268 : <em>lustrum condidit et taurum immolauit</em>.</li> </ul> <p> Le verbe <em>mactāre</em> signifiait originellement « honorer un dieu » en lui apportant un surcroît d’offrande destiné à renforcer sa substance, selon une vision magico-religieuse largement répandue. </p> <p> <br/> <a href="/dictionnaire:mactare5" class="wikilink1" title="dictionnaire:mactare5">Aller au § 5</a> ou <a href="/dictionnaire:mactare" class="wikilink1" title="dictionnaire:mactare">Retour au plan</a> ou <a href="/dictionnaire:mactare7" class="wikilink1" title="dictionnaire:mactare7">Aller au § 7</a> </p> </div> <div class="footnotes"> <div class="fn">^{<a href="#fnt__1" id="fn__1" name="fn__1" class="fn_bot">1)</a>} Si l’on prend le cas, p. ex., d’<em>āctus</em> ou <em>rēctus</em>, on admet que des formes héritées *<em>ăkto</em>- et *<em>rĕkto</em>- ont été remotivées en *<em>agto</em>- et *<em>regto</em>- ; s’en est suivi un nouvel assourdissement des vélaires qui, lui, a été suivi d’un allongement compensatoire.</div> <div class="fn">^{<a href="#fnt__2" id="fn__2" name="fn__2" class="fn_bot">2)</a>} Pour plus de détails, se reporter à Haudry 1978 p. 345-363, « Les verbes de sacrifice ». Cette étude s’inscrit dans le cadre de la « théorie des deux modèles » syntaxiques développée par J. Haudry dans son livre.</div> </div>